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Accueil » Baudelaire Charles » « BAUDELAIRE, CLANDESTIN DE LUI-MÊME », Isabelle Viéville-Degeorges, Léo Scheer, 2011 (note parue dans « Diérèse » numéro 56, au printemps 2012)

« BAUDELAIRE, CLANDESTIN DE LUI-MÊME », Isabelle Viéville-Degeorges, Léo Scheer, 2011 (note parue dans « Diérèse » numéro 56, au printemps 2012)

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    Capture%20d’écran%202012-01-05%20à%2011.21.00   La plupart des amateurs de poésie connaissent dans les grandes lignes la vie de guignon de Baudelaire. Très tôt orphelin de père, l’auteur des Fleurs du mal se caractérise dès l’enfance par de grandes dispositions intellectuelles, un fort appétit de vivre mais aussi par une certaine indiscipline et par de lourdes mélancolies. Appauvri suite à un conseil judiciaire voulu par son beau-père, le commandant Aupick, l’adolescent rebelle puis le dandy provocateur se muent progressivement en authentique créateur, brillant traducteur et critique clairvoyant. Néanmoins ses relations avec sa maîtresse Jeanne Duval se détériorent et ses difficultés matérielles s’accroissent. Miné par la syphilis, condamné pour immoralité et totalement ruiné, il s’éteint en 1867, à quarante-six ans, dans les bras d’une mère à la fois adorée et détestée.

  S’abstenir de tout propos moralisateur, éviter les poncifs et le sensationnel, s’en tenir aux faits pour tenter de comprendre l’homme, tel semble être l’objet de cette nouvelle biographie : Cinquante à soixante mille ouvrages sur Charles Baudelaire ont été écrits de par le monde et il semble que l’on n’en sache pas davantage sur sa personnalité (p. 9). Loin du cliché sulfureux et commode du poète maudit débauché, Baudelaire apparaît ici d’abord comme un immense travailleur, attentif au présent mais acculé à une misère noire, et plus encore clandestin de lui-même, en exil intérieur et incompris des autres. L’image du martyr semble toutefois inappropriée : en rupture avec la bourgeoisie et ne se destinant qu’à la littérature, Baudelaire scrute sans aménité une société rigidifiée par l’Empire, en dénonce les hypocrisies, évoque les névroses individuelles : « L’albatros », ce grand oiseau qui a séduit le poète au point de s’y identifier, est connu et haï des marins pour ouvrir la tête de l’imprudent tombé à l’eau, fût-il encore vivant. De même, Baudelaire, explorateur de l’inconscient, terrifie la société de son temps. La vie toute entière de cet homme a valeur de symbole (p. 193). Le livre rend vivant une existence profondément triste, marquée par une série d’échecs, de frustrations, mais aussi par de grandes passions artistiques et amoureuses. Chroniqueuse à La Revue littéraire, auteur d’une autre biographie, cette fois consacrée à Edgar Poe[1], Isabelle Viéville-Degeorges s’est énormément documentée, puisant dans la correspondance du poète, établissant un intéressant rapport entre l’Histoire et la vie personnelle de Baudelaire. De fait Baudelaire, clandestin de lui-même reste sans doute l’un des livres les plus accessibles sur le poète, à la fois précis, sans jugement de valeur ni diagnostic psychologique hâtif, mais surtout magnifiquement écrit, dans un style à la fois sobre et efficace, sensible. Loin des études universitaires peut être trop spécialisées pour le novice, Baudelaire, clandestin de lui-même rend poignante la tragédie de cette existence, sans nous enfermer dans le pathos ni la déploration.

[1] Edgar Allan Poe, biographie, éditions Léo Scheer, Paris, 2010.


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