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UN CLASSIQUE PAR MOIS: LYMAN FRANK BAUM (1856-1919), épisode 16.

 Originaire d’un petit village de l’Etat de New-York, Lyman Frank Baum avait donc quarante-quatre ans lorsqu’il publia, en 1900, Le Magicien d’Oz. Les gens lisent encore le roman, si j’en juge par le nombre d’exemplaires présents sur les étagères du Gibert, boulevard Saint-Michel. Fidèle à l’idée de gratuité (j’adore chroniquer des livres trouvés dans la rue, en boîte aux livres, sur les quais de Seine, téléchargés, ou empruntés à la médiathèque), j’ai pris la version d’occasion Presse Pocket, à cinquante centimes. Pas cher, certes, mais il manquait les illustrations originales de William Wallace Denslow, l’ouvrage ayant été conçu, d’emblée, pour les enfants. En consultant la fiche Wikipédia de Baum, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’une sorte de journaliste aventurier à l’américaine, désirant faire fortune grâce à des feuilletons, à la grande presse, et même à ses films, puisqu’il a tourné une version muette du fameux roman (le seul à être parvenu à la postérité, disons-le carrément). J’ai tenté l’aventure, sur YouTube, mais c’est franchement trop ingrat.

 Mes premiers souvenirs du Magicien d’Oz remontent à la petite enfance. Des flashs m’étaient restés: notamment ce moment où les quatre héros (Dorothée, l’homme de fer, le lion peureux et l’épouvantail) s’endorment dans un champ de pavots, planté par la méchante sorcière, et que la neige se met à tomber. Je devais avoir six ans, et regardais donc un long-métrage tourné presque un demi-siècle plus tôt, en 1939, accompagné de ma mère, dans je ne sais plus quel cinéma rochelais. Jusqu’à récemment, je ne savais même pas qu’il s’agissait, au départ, d’un livre. Rarement le film dépasse l’imprimé. On est généralement déçu, notamment lorsque Renaud interprète Etienne Lantier (assez bien d’ailleurs, mais pas assez), dans le Germinal de Claude Berri. À de rares exceptions près (2001 ou l’Odyssée de l’espaceHôtel du Nord…), le livre est toujours plus riche, plus complexe que le film. Là, de nombreuses actions secondaires ont été supprimées, entre autres le passage où les quatre comparses explorent une cité en porcelaine, peuplée de gens en porcelaine (notamment). Le Kansas n’est que très peu évoqué dans le livre, qui est également plus violent que le film, en particulier lorsque l’homme de fer (Thin man), décapite des chats sauvages, des loups, ou qu’il coupe des arbres vivants, en bon bûcheron. La Dorothée de Baum est également moins mûre, plus irresponsable, que la Dorothée du livre. Globalement, l’adaptation demeure toutefois fidèle (on compte d’ailleurs de multiples adaptations).

 Non, ce qui m’a un peu déçu, chez Lyman Baum, c’est la relative sécheresse des descriptions, que je trouve fort peu littéraires. On objectera qu’il s’agit d’abord d’un conte, et que les enfants n’ont pas besoin de longs paragraphes balzaciens. J’en conviens. Toutefois, la comédie musicale signée Victor Fleming est tellement exceptionnelle… J’ai d’abord commandé un DVD via Rakuten, qui n’est jamais arrivé (toujours des soucis avec Mondial Relay, dans mon quartier de Paris), puis j’ai acquis, un peu en catastrophe, pour les besoins du présent billet, le même DVD chez Gibert musique, d’occasion. La flemme de regarder tous les bonus, qui doivent être fort instructifs. Apparemment, le tournage a été pénible. Soumise à un rythme intensif, Judy Garland, qui devait mourir si jeune (47 ans!), était maltraitée par Fleming, qui n’hésitait pas à la gifler, irrité par son rire perçant. On lui avait imposé un corset, bridant sa poitrine d’adolescente (en rappelant qu’elle incarnait une enfant de douze ans, et qu’elle en avait seize) et elle commençait, déjà, à se droguer. L’homme de fer et la sorcière ont été intoxiqués par le maquillage coloré. Evoquons également les brûlures de cette même sorcière, du fait de shows pyrotechniques mal réglés… Le comportement décalé des nains incarnant les Munchkins, souls, agressifs, a également fait jaser, bien que les rumeurs d’agression sexuelle sur Judy Garland, demeurent infondées. Depardieu n’était pas dans le coin! Je passe sur les détails techniques, et l’incroyable utilisation des faibles moyens techniques de l’époque, si on établit une comparaison avec la présente époque. On nage en pleine féérie, en un songe coloré.

 Alors, pourquoi Le magicien d’Oz? Je l’ai dit: j’ai toujours rêvé d’écrire un roman, un poème, qui resterait en quelque sorte incontournable, laissant une trace indélébile, même si on oubliait mon nom. Voeu mégalomaniaque (à l’instar de l’acte même du créateur, qui souhaite quasiment toujours accéder à une forme d’immortalité, même s’il le nie). Oz, Pinocchio, Heidi, Bambi… Répondant à un journaliste, le guitariste de Radiohead affirmait que son plus grand rêve serait d’entendre un jour une de ses mélodies reprises dans un jouet… A l’instar de Julius Fucik, dont L’entrée des gladiateurs est jouée dans tous les cirques du monde, a été réinterprétée de multiples fois… Ou d’Aram Khatchatourian, obscur compositeur soviétique, au départ, mais dont tout le monde connaît la fameuse Danse du sabre… Et ces personnages devenus des emblèmes, des caractères: Don Quichotte, Peter Pan… Dans le même genre, on parlera d’un univers kafkaïen, d’une farce rabelaisienne, d’une situation ubuesque, d’un liliputien (merci, Swift!), du syndrome de Münchhausen. Si nul, ou presque, ne retient plus le nom de Lyman Frank Baum, tout le monde visualise Dorothée, peut siffloter « Over the Rainbow », la chanson liminaire. Le quidam reconnaît l’homme de fer… Quelle plus belle récompense?

LUCIEN BITON (1902-1993)

Lucien Biton vivait rue du Théâtre, dans le quartier de Grenelle

Quelqu’un a-t-il connu Lucien Eugène Biton (1901-1993), érudit surréaliste, ami de Clovis Trouille et d’Yves Bonnefoy qui parle de sa bibliothèque, de son appartement dans le quinzième arrondissement? J’ai appelé Sylvain Goudemare, qui a mis sa collection en vente en 2011, et lu la correspondance de Biton avec le résistant et pataphysicien Noël Arnaud, sous forme manuscrite, à la bibliothèque de l’Arsenal. Toutefois, j’aimerais au moins avoir un portrait photographique de l’homme, auquel j’ai consacré des heures, et qui n’a jamais rien écrit. Yves Bonnefoy évoque ce bibliophile fou, à travers un saisissant portrait. Biton travaillait comme employé de banque, était marié à une certaine Alice, et consacrait tout son argent à l’achat de volumes rares, qu’il entassait ensuite dans son appartement du quinzième arrondissement.

SECOND LIFE LITTERAIRE

Me suis déconnecté de Facebook quelques jours pour en revenir à l’essentiel.

Ces polémiques absurdes, ce temps perdu en commentaires de commentaires et en diatribes, de qui a signé ou pas la pétition droitardocide anti-Tesson… Sachant que de nombreuses collaborations entre poètes sont ainsi bousillées pour un conflit qui sera oublié dans quinze jours, puisqu’on va passer à autre chose… Quoi qu’on en dise, les autres ont des oeuvres réelles derrière eux (des livres, des gros livres, des romans, des essais, etc. S. Tesson est ce qu’on veut mais il est adapté à l’écran et je pense qu’il se moque de ses opposants comme de ses partisans. Comme Yann Moix a une oeuvre. Comme Beigbeder a une oeuvre. Discutable, certes, mais une oeuvre. Je veux dire: plusieurs tomes à la Pléiade. Pas quelques maigres plaquettes anarchistes lues sur la place d’Aurillac, le samedi, entre deux bières de tièdes et un joint, pour dire que la bourgeoisie c’est mal, que l’homme blanc est un enfoiré, et qu’on pisse sur le Christ).

Or la polémique rézosociale arrache de précieuses journées à la lecture, la réflexion profonde et même la contemplation. N’ayant pas (encore) bâti un ensemble livresque conséquent, du moins celui dont je rêve, j’éprouve un sentiment d’illégitimité, et surtout de gaspillage à ainsi bavasser des heures durant au lieu de travailler sérieusement à la construction d’un édifice. L’engagement, oui, d’accord. Mais un engagement virtuel, de surcroît? Déperdition d’énergie, comme le fait de s’engueuler, dans le métro, avec quelqu’un qu’on ne reverra jamais, ou alors d’attirer son attention (s’il n’y a pas l’idée d’aboutir à quelque chose de concret, s’entend, sur le plan amical ou amoureux/sexuel).

NB: Hier, je vais à la médiathèque Hélène Berr, dans le douzième arrondissement. Une vieille dame demande à la bibliothécaire les ouvrages de Sylvain Tesson, qui ont tous été empruntés. Comment dire les choses sans paraître déplaisant? Je doute que les livres des signataires soient ainsi plébiscités. Ou même qu’ils soient à la médiathèque Hélène Berr… Coup double pour ledit réac: il passe pour subversif et se vend comme jamais.

VOIX DES AUTEURS: ALAIN RIVIÈRE (entretien paru dans « ActuaLitté », octobre 2023)

Les chiens ne se baignent jamais deux fois dans la même Rivière

Décalé, mystérieux, Les chiens nus nous parle, comme son nom l’indique, de nos amis quadrupèdes. Mais loin d’avoir rédigé un (banal) traité d’éthologie, ou un énième guide sur les chiens, Alain Rivière nous embarque pour un déroutant voyage, dans lequel l’animal semble essentiellement nous renvoyer à nous, à notre condition mortelle.

ActuaLitté

C’est donc bien volontiers que nous le suivrons, à travers ces quelques aphorismes, situés entre Jarry et Schopenhauer, brillamment publiés par Conspiration éditions, la jeune, et prometteuse maison de Théodore Lillo. Fort d’un humour acerbe, décalé, Alain Rivière construit là une œuvre brève mais originale, parfois pessimiste, toujours trempée d’une pointe de drôlerie. Ouaf !

Étienne Ruhaud : « Ne nous traite pas comme des chiens, s’émeut un chien qui me voit écrire. Ne te sers pas de nous. Je sais que je te demande l’impossible. » Pourquoi avoir choisi la figure du chien ?

Alain Rivière : J’ai décidé d’écrire ce livre après avoir observé que dans notre société occidentale très développée (Europe de l’ouest, Etats-Unis, Australie, Japon, et autres) les chiens ne pouvaient absolument plus être sauvages ou même errants. Cet animal est seulement devenu la propriété de l’être humain. Il doit être répertorié, numéroté, castré, attaché, surveillé etc…C’est un fait important pour l’histoire du chien. Il s’agit aussi d’une grande question éthique qui renvoie à nous-même. J’observe aussi que dans la plupart du reste du monde (déjà en Roumanie, Bulgarie, Turquie) il y a encore des chiens en liberté et que cela ne gêne presque personne.

Possédez-vous, vous-même, un chien ? Quel est votre rapport personnel à cet animal ?

Alain Rivière : Je ne possède pas de chien. Mais j’aime beaucoup cet animal.

On est frappé, souvent, par l’humour décalé qui ressort du texte. Peut-on parler d’écriture de l’absurde ?

Alain Rivière : Oui, absolument ! L’absurde est important ! Aujourd’hui plus que jamais !

De Schopenhauer à Houellebecq, beaucoup d’écrivains, de philosophes, ont possédé, ou possèdent encore, des chiens. Beaucoup ont également écrit sur le chien. Dans le livre, vous parlez de livres variés, ce qui révèle une culture pour le moins vaste. Quels auteurs canins ont pu vous inspirer ? Quels livres ?

Alain Rivière : Comme je l’évoque dans le livre, Cœur de chien de Boulgakov est un texte formidable, radical, sur les chiens et sur nous-mêmes. Il est aussi rempli d’humour. Je le relis souvent.

Vous parlez, également, d’un chien peint par le Tintoret. Pouvez-vous nous parler d’autres sources d’inspiration, non littéraires cette fois ? Êtes-vous influencé par les arts plastiques, et/ou le cinéma ?

Alain Rivière : Je pense que dans notre culture, l’iconographie a toujours joué un rôle très important. Certains tableaux sont de véritables « marques » décisives. Aussi, j’ai tenu dans mon livre à évoquer le fameux portrait de Charles Quint en pied avec son chien peint par le Titien qui se trouve au Prado. Il montre au moment de la Renaissance la projection directe qui a lieu alors entre un homme (en l’occurrence ici un empereur!) et son chien. De même la présence d’un chien dans la grande scène peinte par le Tintoret qui se trouve dans la Basilique San Giorgio à Venise est l’un des exemples (il y en a beaucoup à cette époque) signifie l’importance de l’animal, aussi dans le cadre d’une illustration d’un évangile.

Pour lire la suite de l’entretien, cliquer sur le lien ci-dessous:

https://actualitte.com/article/114053/interviews/les-chiens-ne-se-baignent-jamais-deux-fois-dans-la-meme-riviere

PÉTITIONS, POLÉMIQUES, TESSON, PERTE DE TEMPS ET BLABLABLA.

« Gontran, vous avez vent de cette pétition?

– Monsieur, oui. Elle fut lancée par le parti dévôt.

– Diable, que c’est fâcheux. Savez-vous que je préfère encore un bon rôti de veau et la chose, à quelque méchant papier sur des hommes de Lettres, ou aux vilaines histoires de comédiens priapiques! Et je ne goûte guère qu’on embastille un raisonneur, fût-il coquin.

_ Adhonc, Monsieur, pourquoi perdre votre précieux temps en mondanités virtuelles, et en vaines chicanes sur les réseaux sociaux des sieurs Musk et Zückerberg? On dit qu’ils viennent des Amériques!

– Pardines! D’ordinaire, je ne goûte guère votre logique, mais force est de constater que vous êtes juste!

– Je vous incite donc à reprendre la plume, ainsi que vos chers volumes. Cédez, je vous prie, à cette douce violence. Tempus fugit! Vita breva est!

– Un Louis d’or, mon bon! Portez-ici, sans attendre, mon encrier en porcelaine de Sèvres et ma pipe de Hollande. Vous m’avez mis en verve. »

Et Monsieur de reprendre ses écrits sur d’obscurs poètes des siècles passés…

CARNET DE LECTURES: OCTOBRE 1998

Octobre 1998

  • Le Tiers-Livre (François Rabelais)
  • Le Quart-Livre (François Rabelais)
  • Le Cinquième et dernier livre (François Rabelais)
  • Trois Contes (Gustave Flaubert)
  • La Sonate à Kreutzer (Léon Tolstoï)
  • La Seconde République (Philippe Vigier)
  • Les Faux-Monnayeurs (André Gide)
  • Le Cid (Pierre Corneille)
  • Horace (Pierre Corneille)

PAUL VECCHIALI: UN AN DÉJÀ (mémoire des poètes)

Etienne Ruhaud et Paul Vecchiali, automne 2022, XIIème arrondissement.

 Il y a un an jour pour jour, donc, le 18 janvier 2023, Paul Vecchiali nous quittait, à l’âge de 92 ans. Très actif, il avait réalisé plusieurs dizaines de films, écrit vingt livres (essais, poèmes, romans, théâtre), dont les deux derniers furent publiés par Jacques Cauda, aux éditions Douro, et par votre serviteur, dans la collection « Eléphant blanc » des éditions Unicité. Comme je le raconte dans le billet ci-dessous, j’ai eu la chance de le rencontrer une fois, et de récupérer le manuscrit de son tout dernier roman, La divine mystification (cf. précédemment).

PS: Une salle du cinéma « Le Grand Action » (Vème arrondissement), porte son nom.

https://www.editions-unicite.fr/auteurs/VECCHIALI-Paul/chansons-et-poemes-de-paul-vecchiali/index.php

https://www.editionsdouro.fr/paul-vecchiali

« SANS TITRE », 1956. ANDRÉ POUJET (1919-1996). FRANCE. Série surréaliste

AVIS DE PARUTION: VINCENT CALVET ET CATHERINE ANDRIEU

Deux avis de souscription chez Rafael de Surtis (il faut envoyer un chèque): les livres de nos amis Vincent Calvet et Catherine Andrieu, à paraître très prochainement:

BILAN

En 2023, j’ai donc:

  • Envoyé environ 1560 mails
  • Ecrit une vingtaine d’articles
  • Interviewé environ quinze auteurs
  • Edité deux écrivains dans ma collection « Eléphant blanc » (en l’occurrence, mes deux enseignants)
  • Ecrit 250 pages de journal intime (à la main)
  • Rédigé 138 billets de blogs (parfois de simples images)
  • Lu 73 livres (certains très courts, d’autres beaucoup plus longs)
  • Avancé dans mes projets livresques (ce qui demeure non quantifiable).