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Archives Mensuelles: juin 2020

WAS IST KUNST? (libre propos)

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   On connaît l’arnaque. Mais j’adore Jeff Koons , à la fois banquier, artiste, business man, à l’instar de la Cicciolina, son ex, tour à tour actrice X, politichienne, etc. Beaucoup voient ici un symptôme de décadence ou de cynisme libéral absolu (selon le positionnement politique. Sachant que l’artiste ne trouve grâce ni à droite ni à gauche, ni chez les intersectionnels, qui y voient probablement une forme de domination, exercée par un mâle blanc, et pornographe de surcroît. Et que sa statue a donc triple chance de se faire déboulonner). Personnellement, ces gros marshmallows colorés, ayant coûté fort cher dans une ville déjà surendettée, ça me donne envie de vivre, même si ça ne se voit pas sur ma tête. Et finalement, rendre hommage aux victimes du terrorisme avec des tulipes dignes de Charlie et la chocolaterie… Pourquoi pas? Ça change de la martyrologie en noir et blanc, des pleureuses… Tant qu’à nous prendre pour des jambons, si c’est fait avec un minimum de drôlerie…

Notre précédent billet sur Koons (cliquer sur le lien)

NB: Les fameuses « tulipes » ont finalement été plantées derrière le Petit-Palais, et non devant le musée d’Art moderne. Cela ne change rien, j’imagine, pour les grincheux.

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RETOUR DE FLAMME (libre propos)

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   Retourné au Gibert cet après-midi, pour la première fois depuis le COVID. Flânant mollement dans le rayon poésie, au premier, j’entends une vieille dame bien mise, ressemblant fort à une enseignante à la retraite lectrice de Kundera, demander au libraire s’il dispose de la nouvelle traduction d’Autant en emporte le vent, et le dire assez fort, avec ostentation. « Non nous sommes en rupture de stock Madame ». D’où je conclue que le roman de Margarete Mitchell, qu’on trouvait si facilement chez Emmaüs ou dans les vide-greniers (et que je n’ai jamais lu, bien qu’ayant vu et apprécié le film, qui passait chaque Saint-Sylvestre) connaît un succès sans précédent. Il suffit que la presse ou les associations s’attaquent à une oeuvre pour que le plus conformiste des bourgeois désire la lire, soit par lassitude, soit pas un réflexe anti autoritaire, par défiance inconsciente, ou par une sorte d’instinct reptilien. C’est dire le décalage entre la parole officielle et les pensées profondes, le ressenti. De même, je me demande si les ventes de Harry Potter n’ont pas décollé après les critiques dont a été l’objet J.K. Rowling.

MARYLINE, ULYSSE ET JIM (libre propos)

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   Introïbo ad altare dei... Le « Bloomsday » s’est donc tenu le 16 juin (puisque le roman de Joyce, qui décrit notamment les pérégrinations dublinoises du pédant Stephen Dedalus, soit Télémaque, et du bourgeois juif cocu, avatar d’Ulysse, Léopold Bloom, est censé se dérouler le 16 juin 1904). Observons Marilyne penchée sur le monstre. En a-t’elle lu la totalité? On constate, en analysant le cliché, que l’actrice en est à la fin. Soit au fameux monologue où Molly Bloom se remémore ses premières expériences érotiques. Courant sur plusieurs dizaines de pages, la longue période fit scandale, et causa la censure du livre. Notons la fausse candeur de l’actrice, dont la position n’a probablement rien d’innocent. Autre sex symbol américain prématurément disparu, Jim Morisson aurait lu l’ouvrage au lycée, et, d’après sa professeure de Lettres, l’aurait parfaitement intégré. Outre un physique avantageux, l’homme jouissait vraisemblablement de capacités cognitives supérieures. Ce qui ne lui a manifestement pas porté bonheur…

« FURFUR », PATRICK BOUTIN, éditions LAMIROY, WOLUWE-SAINT-LAMBERT, BELGIQUE, 2019. (note de lecture parue dans « Diérèse » 78).

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   De Balzac à Marguerite Yourcenar, en passant par Oscar Wilde, nombre de romanciers ont abordé la peinture sous l’angle fantastique. Plasticien de formation, auteur d’une vingtaine d’ouvrages, Patrick Boutin s’inscrit dans cette filiation à travers un conte bref et profond. Nous y suivons la mésaventure d’un artiste figuratif d’âge mur, pourvu d’un don indiscutable, mais [vendant] peu (p. 8). Réalisant un autoportrait extrêmement ressemblant, l’homme voit le tableau prendre vie, et progressivement prendre sa place. Soucieux de ménager le suspense, nous ne livrerons évidemment pas la fin au lecteur. Ce dernier devra débourser la modeste somme de quatre euros pour acquérir ce mince et élégant volume tout blanc, publié par Lamiroy, maison belge spécialisée dans l’édition d’opuscules, soit de petite(s) nouvelle(s) de 5000 mots paraissant tous les vendredis. Servie par un indéniable talent narratif, l’intrigue est à la fois efficace et simple, prenante. En conteur accompli, P. Boutin mène rondement le récit à son terme, jusqu’à sa chute fatale. Mais c’est surtout le style qui surprend : cette plume extrêmement maîtrisée, comme décalée à l’époque du SMS et de l’écriture parlée. Dans une prose impeccable, savamment rythmée, P. Boutin nous emmène loin du quotidien, employant des termes délicieusement désuets, comme tirés du Littré, d’une ère révolue, riche et distinguée. Avec son exergue emprunté aux Contes humoristiques de Théophile Gautier, cette singulière histoire semble datée du XIXe siècle, ou plutôt fait revivre le XIXe siècle, soit l’esprit précieux, décadent, propre à Barbey d’Aurevilly. Délibérément classique, loin des expérimentations contemporaines, P. Boutin n’a pour autant rien d’un passéiste, d’un homme de Lettres réactionnaire copiant un énième palimpseste, puisque son histoire traite avec originalité du double, thème intemporel. S’y ajoute l’humour subtil d’un narrateur désabusé, qui s’effacera littéralement, ou plutôt se verra effacer par son besson (p.26).

TITRE INCONNU, CHARLOTTE EDEY (Surréalisme, Grande-Bretagne)

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LES KABUTOS

  Des limules jaunes, grandes, hautes sur pattes, pourvues de puissants bras terminés par des pinces. Ornée d’yeux articulés, mobiles, leur carapace brillante les protège de toute attaque.

   Araignées de mangrove, elles traînent nonchalamment au milieu des racines, chassant grenouilles, poissons et oiseaux. Planté à l’avant de la tête, un rostre pointu leur permet d’aspirer les sucs vitaux. Leur piqûre provoque de la fièvre, puis une nécrose, parfois la mort.

   La chair n’est pas comestible, et pourtant l’espèce est menacée. Braconniers et trafiquants vendent en effet le sang de l’animal par fioles, au marché noir ou sur le dark web. Le liquide, qui évoque le mercure, durcit à la cuisson, pour former un métal bleu roi, très apprécié en joaillerie, et dont la valeur dépasse celle de l’or.

RÉSEAU SOCIAL (libre propos)

NEWPORT

  J’ai momentanément quitté Facebook après avoir lu Minimalisme digital du psychologue américain Cal Newport, qui préconise d’économiser ses forces cérébrales afin de favoriser le deep work, soit l’état de concentration nécessaire au vrai travail (manuel ou intellectuel), et à la vraie contemplation, à l’attention. Cela signifie également d’éviter l’excès d’informations (l’infobésité). Donc également éviter de parcourir sempiternellement le fil d’actualités surtout aujourd’hui quand il contient autant de lieux communs, de faux sentiments, et de tartuferies autour des États-Unis (sachant que dans une semaine y aura une autre cause, mais que ce sera toujours la faute de Trump s’il pleut) ou de pseudo constats scientifiques sur la chloroquine et le COVID (soit du charlatanisme). Préserver son énergie et ménager ses forces, en évitant de se faire manipuler. À l’instar de Bill Gates qui interdit l’écran à ses enfants à table, parce qu’il en connait trop les dangers, un peu comme un dealer qui ne se drogue jamais. Mais en parler c’est peut être déjà beaucoup.

   J’espère publier bientôt mon quatrième livre, après sept ans d’absence. Le reste m’est, dans le fond, plus ou moins indifférent. Du moins je fais comme si. Parce que la liberté d’expression, si t’es pas Charlie, comment dire… A ce propos, laissons la parole à Michel Houellebecq, qui dit parfois des choses sensées, mais qui trop souvent écrit comme il s’habille.

houellebecq

02/06/1740

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  2 juin 1740, naissance à Paris du marquis de Sade (portrait présumé). Accusé de sodomie, dettes et perversion, l’homme, qui passe une bonne partie de sa vie en prison, meurt le 2 décembre 1814 à l’asile d’aliénés de Charenton, où il monte des pièces de théâtre avec les fous. Il demande à ce que sa sépulture ne soit pas surmontée d’un crucifix, ce qui lui fut refusé. Il repose désormais sous un centre aéré pour enfants, à Saint-Maurice.

ANGST 46

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