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UN CLASSIQUE PAR MOIS: MARCELLE SAUVAGEOT (épisode 9)

Le livre s’appelait d’abord Commentaire…

  » Et moi-même, je tousse en réponse pour vérifier l’état de mes poumons. Vais-je sentir ce creux, ce vide de soufflet crevé ? ».

Dans le train qui la mène vers le sanatorium (où elle sait qu’elle va mourir), une jeune femme répond à son amant, qui vient de la quitter pour se marier à une autre. Le ton de la lettre fictive est amer, mais vrai. Dénonçant les lâchetés de celui qu’elle aime encore, la narratrice évoque impitoyablement les relations hommes-femmes dans la bonne société de son temps. Unique témoignage de Marcelle Sauvageot, agrégée ès Lettres tuberculeuse, ce petit volume d’inspiration autobiographique est considéré par nombre de militantes tel une sorte de manifeste féministe, avant l’heure. Et d’ailleurs le mot est prononcé, sous la plume même de l’auteurE. C’est sans doute en partie vrai. Néanmoins, c’est aussi faire fi, ou ignorer, la justesse même du propos, ainsi que la poésie propre à Marcelle Sauvageot, en réduisant tout simplement Commentaire (car tel est le titre « officiel » du livre), à une dimension militante. Préfacé par le très catholique Charles Du Bos, initialement tiré à 163 exemplaires (merci Wikipédia!), Commentaire connut un certain succès, ou, si on veut, un succès certain, après le décès prématuré de Marcelle, à laquelle des écrivains aussi divers que Clara Malraux ou Robert Brasillach devaient rendre hommage. On y suit, avec mélancolie, le récit d’une liaison défunte, mais encore vive, couvant sous la cendre. Les scènes érotiques sont absentes (pudibonderie de l’époque? Ou pudeur, tout simplement, de Marcelle Sauvageot?). On note toutefois un attachement aux lieux, aux hôtels, aux déplacements, comme si la mémoire s’était attachée tout particulièrement à des éléments matériels, en apparences banals.

Originaire, comme Rimbaud, de Charleville-Mézières, et disparue, comme Rimbaud, à moins de quarante ans, Marcelle Sauvageot aura croisé les intellectuels de son temps, et plus particulièrement les surréalistes, parmi lesquels René Crevel, avec lequel elle entretint une correspondance. Née avec le siècle, disparue avant-guerre, assistée par Charles du Bos (cf. plus haut) dans ses ultimes moments, Marcelle Sauvageot fut sans doute la jeune femme passionnée du Commentaire. Et c’est avec plaisir que j’ai lu, d’une traite, son unique livre. Un classique? Si on veut. La définition est souvent floue. Et d’abord, pourquoi l’avoir choisi? Le texte (roman? récit autobiographique?), est bref, et je manque cruellement de temps pour avaler de forts pavés, ainsi que je l’ai souvent dit, lors des précédents épisodes. Là n’est pas la raison principale, cependant. À la bibliothèque patrimoniale Jacques Doucet, place du Panthéon, se trouvent conservées les douze lettres envoyées par Max Morise à Marcelle Sauvageot, entre le 10 juillet 1920 et le 10 octobre 1922. Cinquante pages en tout, que je n’ai pu consulter, l’établissement étant fermé depuis février, suite à divers scandales sur lesquels je ne reviendrai pas (consulter, à ce propos, les articles disponibles sur Google, Actualitté, Livres hebdo, etc). Traducteur, acteur chez Marcel Carné notamment, inventeur, selon certains, du cadavre exquis, le surréaliste Max Morise (1900-1973), dont je parlerai ultérieurement, fut-il l’amant de Marcelle Sauvageot? Difficile de le savoir, tant l’homme demeure insaisissable ou presque. On sait d’ores et déjà qu’il fut l’amant de Simone Kahn épouse Breton, ce qui devait provoquer l’ire d’André, lui-même volage. Mais, dès lors, est-ce de Max que parle Marcelle Sauvageot dans Commentaire? La très succincte description physique établie par Marcelle Sauvageot elle-même ne correspond guère à Morise, homme grand, élancé. L’enquête demeure ouverte. Reste qu’il appert fort difficile d’accéder aux archives Jacques Doucet. Et ce même si la bibliothèque en question réouvrait dans l’année. Puisqu’il faudrait avoir l’accord des ayants droit. À suivre, donc!

Max Morise (1900-1973)