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Archives de Catégorie: Espagne
« SEMAINE SAINTE »
Dans Le dernier soupir du Maure, son autobiographie, Luis Buñuel évoque longuement son enfance à Saragosse, ainsi que sa rencontre avec Salvador Dali. À plusieurs reprises, le cinéastes parle également des processions de la semaine sainte, et de l’influence que cela devait avoir sur sa propre production. Chaque film, qu’il soit réalisé en France, au Mexique, ou dans son pays natal, contient effectivement un ou plusieurs roulements de tambour. Sombre, doloriste, peuplé de Christs tordus sur la croix et de squelettes enchâssés, le catholicisme espagnol ne pouvait, selon son propre aveu, que marquer l’esprit du jeune créateur. À titre privé, et bien que je ne l’aie jamais vue « en vrai », la marche solennelle des pénitents vêtus de San Benito m’a toujours frappé, comme une parfaite célébration de la mort, à l’instar de la corrida.
… Notons que le rythme, au début de la vidéo, est le même que celui du générique, au début de Johnny s’en va-t-en guerre, film antimilitariste de l’Américain Dalton Trumbo (1905-1976), adapté de son propre roman (Johnny got his gun):
Enfin, précisons, s’il le fallait, que ce blog est totalement laïc. Il ne s’agit ici que d’évoquer la culture d’un pays, et son influence.
« LA GESTE DE DRACULA EN COTENTIN », GUY GIRARD (1)
Mon ami peintre et poète Guy Girard s’auto-publie, depuis quelques temps. Souvent drôles, décalés, ses petits recueils sont en outre réussis, sur le plan technique, assez beaux et originaux. Ainsi de cette nouvelle micro-plaquette, disponible « Chez l’auteur, à Saint-Ouen ». et qui décrit la présence de Dracula dans le Cotentin. Illustrée par une photographie du réalisateur Pierre-André Sauvageot représentant Nosferatu devant le Mont Saint-Michel, cette suite possède la saveur des contes, de l’enfance. J’en reparlerai probablement plus en détail dans la revue Diérèse. Les plus motivés, et surtout les hispanophones, trouveront un article écrit dans la langue de Cervantès, en cliquant sur le lien sous le texte.

Frontispice de Pierre-André Sauvageot
LUNDI
Flâneur enjambant les sept fenêtres à l’envers du monde, Dracula pousse sa brouette d’étoiles noires sous la brume des tourbières peuplées d’oiseaux morts, qu’enroule autour de son oriflamme la double serrure d’ombre du Mont Saint Michel et de l’îlot de Tombelaine. Là où il va, personne n’oserait le suivre. Le reflux de la marée a découvert cette clairière au cœur d’une forêt engloutie où, comme une boussole dardant son aiguille vers le nord du rêve, le squelette d’une baleine épelle les reflets lunaires. L’odieux professeur Van Helsing, dans le clocher de la cathédrale de Coutances, mange une tablette de chocolat en conjurant l’aube prochaine d’être plus ou moins qu’un pansement sur les reliques de la lumière. Ni voyant, ni visionnaire, il ne voit rien de ce qu’avance la pulpe de l’horizon. À sept lieues de là, s’éclaircissant les doutes de Madame Chantelouve qui masse vigoureusement son corps éthérique avec un crapaud retiré d’un bol de punch.
Article autour du recueil sur le site du groupe surréaliste espagnol (cliquer sur le lien)
LUIS DE GONGORA, POÈTE BAROQUE.
La France demeure pauvre en termes de production baroque. Hormis la fameuse Illusion comique, singulière comédie de Corneille, ou les sanglantes pièces d’Alexandre Hardy, incluses dans le recueil de la Pléiade, peu d’auteurs hexagonaux (quel vilain adjectif!), se sont aventurés dans la démesure d’une école, d’un style, auquel Bertrand Gibert, professeur de khâgne à Poitiers -et, pour tout dire, mon professeur-, a consacré un essai fort pertinent, (Le Baroque littéraire français Armand Colin, 1997).Tel n’est pas le cas de la littérature espagnole du XVIIème siècle. Outre les célébrissimes Calderon de la Barca, Francisco Quevedo, Lope de Vega ou Tirso de Molina, citons Luis de Gongora, que j’ai décidé de relire après avoir vu l’extraordinaire exposition consacrée à Velasquez, en ce moment au Grand Palais. Né à Cordou en 1561 et mort dans cette même ville en 1627, l’homme appartient au style cultiste, que nous pourrions, de manière extrêmement schématique, définir comme riche en métaphores, et porté à la démesure, par opposition à l’esthétique classique. Encensé par Miguel de Cervantès dès 1585 dans La Galatéa, l’homme demeure connu pour ses Solitudes, publiées en 1615. Reste, pour l’époque moderne, contemporaine, cette mélancolique et magnifique adaptation des vers du maître, par le célèbre Paco Ibanez, chantre de l’Andalousie:
HERMANA MARICA (1580)
Mañana, que es fiesta,
No irás tú a la amiga
Ni yo iré a la escuela.
Pondraste el corpiño
Y la saya buena,
Cabezón labrado,
Toca y albanega;
Y a mí me podrán
Mi camisa nueva,
Sayo de palmilla,
Media de estameña;
Y si hace bueno
Trairé la montera
Que me dio la Pascua
Mi señora abuela,
Y el estadal rojo
Con lo que le cuelga,
Que trajo el vecino
Cuando fue a la feria.
Iremos a misa,
Veremos la iglesia,
Darános un cuarto
Mi tía la ollera.
Compraremos dél
(Que nadie lo sepa)
Chochos y garbanzos
Para la merienda;
Y en la tardecica,
En nuestra plazuela,
Jugaré yo al toro
Y tú a las muñecas
Con las dos hermanas,
Juana y Madalena,
Y las dos primillas,
Marica y la tuerta;
Y si quiere madre
Dar las castañetas,
Podrás tanto dello
Bailar en la puerta;
Y al son del adufe
Cantará Andrehuela:
No me aprovecharon,
madre, las hierbas.
Y yo de papel
Haré una librea
Teñida con moras
Porque bien parezca,
Y una caperuza
Con muchas almenas;
Pondré por penacho
Las dos plumas negras
Del rabo del gallo,
Que acullá en la huerta
Anaranjeamos
Las Carnestolendas;
Y en la caña larga
Pondré una bandera
Con dos borlas blancas
En sus tranzaderas;
Y en mi caballito
Pondré una cabeza
De guadamecí,
Dos hilos por riendas;
Y entraré en la calle
Haciendo corvetas,
Yo y otros del barrio,
Que son más de treinta;
Jugaremos cañas
Junto a la plazuela,
Porque Barbolilla
Salga acá y nos vea;
Bárbola, la hija
De la panadera,
La que suele darme
Tortas con manteca,
Porque algunas veces
Hacemos yo y ella
Las bellaquerías
Detrás de la puerta.