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ENTRETIEN AVEC JULIEN BOUTREUX (mon propre travail)

Depuis février, notre ami Julien Boutreux, directeur de la défunte revue noire Chats de Mars, a lancé une série d’entretiens littéraires sur son site, interrogeant notamment Christophe Esnault, Heptane Fraxion ou encore Patrice Maltaverne. Interviewé à mon tour, j’ai donc le plaisir de figurer aux côtés de gens que je suis, et apprécie. Merci donc à Julien, dont nous reparlerons régulièrement ici-même (cliquer sur le lien).
FRANÇOIS BON PARLE D' »ANIMAUX » SUR YOUTUBE (mon propre travail)
Nous avons plusieurs fois évoqué François Bon et « Le Tiers-Livre » sur le blog. Travailleur infatigable, François met chaque jour en ligne une nouvelle vidéo YouTube. Il y a quelques jours, l’homme nous fait l’honneur d’évoquer Animaux. Je suis naturellement touché, dans la mesure où je lis et apprécie François Bon depuis des années. J’ai par ailleurs eu l’occasion, récemment, de le recroiser non loin du Louvre, et nous avons pris un café ensemble (du temps de la vie normale, avant le confinement). J’en reparlerai prochainement. En attendant, je partage un lien vers le site éditorial de François (il est bon de le soutenir en s’abonnant, si possible). Grande fierté, également, d’apparaître aux côtés des mes amis Julien Boutreux et Christophe Esnault, également cités dans la vidéo.
« J’ENTENDS DES VOIX », JULIEN BOUTREUX, éditions Le Citron Gare, Metz, 2019 (article paru dans « Diérèse » 78, printemps 2020)
Écrit en vers libres, ce petit opuscule est en fait constitué de deux parties, de deux livres en un seul. Dans le premier, Julien Boutreux évoque son métier vachement cool ou plutôt de ses différents jobs, au pluriel, puisque tantôt il s’agit de garder les yeux ouverts la nuit, soit d’être insomniaque, un vrai boulot de merde (p. 31) ; tantôt il s’agit d’apprendre à déglutir aux gens (p.32). Dans la deuxième partie, le second chapitre, J. Boutreux évoque cette fois les voix qu’il serait supposé entendre, soit les mots de personnalités historiques célèbres, d’auteurs ou d’intellectuels, qu’il s’agisse de Vercingétorix (p. 57) ou de poètes contemporains, tels Ghérasim Luca, Christophe Tarkos (1964-2004), ou encore Jude Stéfan. Schizophrène par choix, J. Boutreux tutoie directement les sommités, n’hésitant pas à déclarer Dieu à la fois mongolien, hydrocéphale et un peu neuneu (p. 48), ou encore à moquer Platon et ses aristocrates épris de spéculation intellectuelle qui, somme toute, ne font que ça/glander sous le soleil de l’Attique (p. 81). Une forme de relâchement volontaire, sur le fond comme sur la forme, domine l’ensemble. Le fond, c’est cette liberté de ton, cette manière irrévérencieuse de tutoyer les grands, le Tout-Puissant ou son fils Jésus, de mélanger anachroniquement l’actualité et le passé. La forme, c’est ce verbe délibérément familier, voire trivial, ce langage quotidien, anglicisé, cet art consommé de briser l’esprit de sérieux, ce rejet du classicisme, de la pompe, des termes savants : Alors j’ai parlé à Pierre de Ronsard (…)/il voyait comme un fossé/un précipice/entre nos arts poétiques (…)/il y a du beau quand même/quand on ne cherche pas le beau (p. 59).
Pareille esthétique s’inscrit dans la logique du Citron Gare, animé par Patrice Maltaverne, auteur, blogueur, critique et créateur du fanzine Traction-Brabant. Illustré par Dominique Spiessert, tout en noir, à l’instar des Chats de Mars, J’entends des voix procède du même nihilisme que les Poésies incomplètes de Régis Belloeil. Rajoutons-y une forme de drôlerie, de provocation. La mélancolie pointe souvent, au détour d’une phrase, d’une expression, notamment lorsque l’auteur s’adresse à Gérard de Nerval, le fou, le suicidé : pendu/dans ta ruelle crasseuse/la mort/t’a emporté vers des rivages moins désolés (p. 61). Sauf que l’humour nous sauve. Ne croyant ni dans le Christ, sorte de grand yogi raté (p. 77), ni dans Platon, ni même dans Jeanne d’Arc, pure fiction du grand roman national, Julien Boutreux s’en sort par un rire amer, en provoquant des situations décalées, incongrues, en exerçant des tâches bizarres, ou en ridiculisant les puissants. Et si l’Histoire semble vaine, si nous ne pouvons nous tourner vers la psychanalyse de Freud (p. 72) vers la spiritualité, les mystiques comme Hildegarde de Bingen (p. 75), si même la mort c’est bidon (p. 73), alors nous reste, outre la raillerie, ce lyrisme asséché, accidentel mais réel, baume ou pansement : la folie t’habitait peut-être/la poésie te possédait/son autre nom aux lèvres de feu/ce rêve incompatible/avec tout le reste (p. 63).
« ÉTHER », DANIEL DEBSKI (in « Chats de mars », numéro 8)
ÉTHER
Des Avions flambants neufs
En rafale émanaient de l’azur nouveau
Dans le ciel égaré on plantait des drapeaux
Et l’altimètre avait l’œil qui brille
J’ai eu un vague coma à G je ne sais plus
Suis remonté très haut là où Garros
Saint-Ex et autres opiomanes nuageux
Ont exprimé le désir de se moucher dans l’Éther
Éternuant dans l’éternité
Coupant les vannes
Piquant du nez
Ils avaient depuis longtemps franchi le mur du songe
Un lien vers la revue « Chats de mars » (animée par Julien Boutreux)
« CHATS DE MARS », FRANÇOIS RABELAIS, « QUART-LIVRE », 1552 (hommage à Julien Boutreux à sa dive revue)
Continuation des contenences de Quaresmeprenant.
Chapitre XXXII.
Cas admirable en nature, dist Xenomanes continuant, est veoir & entendre l’estat de Quaresmeprenant. S’il crachoit, c’estoient panerées de Chardonnette.
S’il mouchoit, c’estoient Anguillettes sallées.
S’il pleuroit, c’estoient Canars à la dodine.
S’il trembloit, c’estoient grands patez de Lièvre.
S’il suoit, c’estoient Moulues au beurre frays.
S’il rottoit, c’estoient huytres en escalle.
S’il esternuoit, c’estoient pleins barilz de Moustarde.
S’il toussoit, c’estoient boytes de Coudignac.
S’il sanglouttoit, c’estoit denrées de Cresson.
S’il baisloit, c’estoient potées de poys pillez.
S’il souspiroit, c’estoient langues de bœuf fumées.
S’il subloit, c’estoient hottes de Cinges verds.
S’il ronfloit, c’estoient iadaulx de febves frèzes.
S’il rechinoit, c’estoient pieds de Porc ausou.
S’il parloit, c’estoit gros bureau d’Auvergne : tant s’en failloit que feust saye cramoisie, de laquelle vouloit Parisatis estre les parolles tissues de ceulx qui parloient à son filz Cyrus roy des Perses.
S’il souffloit, c’estoient troncs pour les Indulgences.
S’il guygnoit des œilz, c’estoient guauffres & Obelies.
S’il grondoit, c’estoient Chats de Mars.
S’il dodelinoit de la teste, c’estoient charrettes ferrées.
S’il faisoit la moue, c’estoient bastons rompuz.
S’il marmonnoit, c’estoient ieuz de la Bazoche.
S’il trepignoit, c’estoient respitz & quinquenelles.
S’il reculloit, c’estoient Coquecigrues de Mer.
S’il bavoit, c’estoient fours à ban.
S’il estoit enroué, c’estoient entrées de Moresques.
S’il petoit, c’estoient houzeaulx de vache brune.
S’il vesnoit, c’estoient botines de cordouan.
S’il se gratoit, c’estoient ordonnances nouvelles.
S’il chantoit, c’estoient poys en guousse.
S’il fiantoit, c’estoient potirons & Morilles.
S’il buffoit, c’estoient choux à l’huille. alias Caules amb’ olif.
S’il discouroit, c’estoient neiges d’Antan.
S’il se soucioit, c’estoit des rez & des tonduz.
Si rien donnoit, autant en avoit le brodeur.
S’il songeoit, c’estoient vitz volans & rampans contre une muraille.
S’il resvoit, c’estoient papiers rantiers.
« ATTENTION/ACHTUNG » DE MATHIAS RICHARD (création personnelle, 1)

Avec sa couverture toute noire, la revue « Chats de Mars » contient de riches illustrations en noir et blanc. L’objet s’obtient auprès de Julien Boutreux, contre quelques timbres seulement. Ecrire donc à jlboutreux@gmail.com
Animateur de la revue Chats de Mars, déjà évoquée sur le blog, et poète lui-même, mon ami Julien Boutreux m’a récemment demandé si je pouvais traduire du français vers l’allemand un texte du Marseillais Mathias Richard. Invité à un festival littéraire dans une brasserie berlinoise, ce dernier devait effectivement lire un assez long passage dans la langue de Goethe, et sollicitait notre aide bénévole. Je me suis donc prêté à l’exercice, usant ainsi de mon vieux dictionnaire « Harrap’s », ainsi que de Reverso, qui permet de retrouver certaines expressions. De fait, le poème intitulé « Attention » a été déclamé le samedi 27 octobre, soit il y a quatre jours, outre-Rhin, lors de l’évènement « Ungemuetlich » V, organisé par Frédéric Krauke au 80-82 de la Berliner Strasse, à la Wilner Brauerei. Je l’ai moi-même lu deux jours avant, le jeudi 25, lors du Cénacle du Cygne de l’inoxydable Marc-Louis Questin, en français et en allemand. Voici donc les deux versions.

Affiche de l’évènement « UNGEMUETLICH V »
ATTENTION
Attention
Attention y a une barrière sur la route
Attention y a de l’eau qui tombe du ciel
Attention une goutte coule de ton nez
Attention y a la lumière qu’est allumée
Attention
Attention, y a la porte du frigo qu’est ouverte
Attention la porte du garage n’est pas fermée à clef
Attention faut pas tâter les fruits
Attention les serviettes sont nominatives / c’est pas ta serviette
Attention tu sais ce que tu quittes mais tu sais pas où tu vas
Attention c’est très dangereux
Attention fait froid dehors
Attention le chat ne doit pas rentrer ou sortir de la maison
Attention la voiture
Attention la maison
Attention les oiseaux
Attention le trottoir
Attention le quartier
Attention les voisins
Attention le bébé
Attention, ça refroidit
Attention pas trop de sel !
Attention tu manges pas dans l’ordre…
Attention c’est pas vrai du tout
Attention à ton futur
Attention à la chaudière
Attention à l’électricité
Attention il y a un risque de gel
Attention il fait nuit
Attention c’est la crise.
Attention on ne peut pas se le permettre.
Attention les camions.
Attention les encens c’est toxique.
Attention bouilloire en plastique ça rend stérile.
Attention l’aspirine donne mal à la tête
Attention ces avocats pourriront si tu les tâtes.
Attention tu fais trop de bruit le plancher grince quand tu marches
Attention cette huile est cancérigène.
Attention doit y avoir une fuite de dioxyde de carbone.
Attention le courrier.
Attention les plantes.
Attention il faut garder la porte fermée.
Attention tu manges trop
Attention tu manges pas assez
Attention comment tu parles
Attention

Le poète Mathias Richard en pleine action.
ACHTUNG!
Achtung!
Achtung! Es gibt eine Schranke am Weg.
Achtung! Es gibt Wasser, das von Himmel fallt.
Achtung!
Achtung! Rotz fliesst von deinem Nase.
Achtung! Das Licht is gemacht.
Achtung!
Achtung! Die Külhschranktür ist geöffnet.
Achtung! Die Garagentür is nicht geschlossen.
Achtung! Du darfst nicht die Obst treffen.
Achtung! Die Handtüche sind nämentlich/ Da ist nicht dein Handtuch.
Achtung! Du weiss was du verlässt, sondern nicht wo du hingehst.
Achtung! Das ist sehr gefährlich.
Achtung! Es ist kalt draussen.
Achtung! Der Katz darft nicht ins Haus einbrechen, und er darft nicht das Haus verlassen.
Achtung! Der Wagen.
Achtung! Das Haus.
Achtung! Die Vögel.
Vorsicht ! Der Gehweg.
Achtung! Das Viertel.
Achtung! Die Nachbarn.
Achtung! Das Baby.
Achtung! Es kühlt.
Achtung! Nicht zu viel Salz.
Achtung! Du isst nicht in Reihenfolge.
Achtung! Das ist absolut nicht wahr.
Achtung vor deiner Zukunft.
Achtung vor Kessel.
Achtung vor Strom.
Achtung! Gefriergefahr.
Achtung! Krise ist da.
Achtung! Wir können nicht es machen.
Achtung! Die Lastautos.
Achtung! Weihrauch ist giftig.
Achtung! Plastischwasserkocher Schwangeren schadet.
Achtung! Aspirin Kopfschmerzen gibt.
Achtung! Diese Avocados werden verwesen wenn du sie triffst.
Achtung! Du machst zu viel Lärm. Der Boden knirscht wenn du läufst.
Achtung! Dieses Öl ist krebserregend.
Achtung! Es muss sein Kohlendioxidleck.
Achtung! Der Kurier.
Achtung! Die Pflanzen.
Achtung! Tür darft geschlossen bleiben.
Achtung! Du isst zu viel.
Achtung! Du isst nicht genug.
Achtung vor deiner Sprechweise.
Achtung!

Votre serviteur lisant le texte en question à la Cantada II, rue Moret, dans le cadre du « Cénacle du Cygne » organisé par Marc-Louis Questin, le 25 octobre 2017. Photo de Claudine Sigler.