A l’occasion du marché de la poésie, samedi 10 juin, de 16h à 18h, Denis Montebello (Le Titien à sa maman, sortie le 5 juin 2023, prix de vente, 15 euros) et Jean Renaud (67 compressions suivi de petite suite racine) dédicaceront leur livre, publiés tous deux dans la collection « Eléphant blanc », dirigée par mes soins, au stand des éditions Unicité (numéro 706). Nous en profiterons pour présenter La divine mystification, dernier roman de Paul Vecchiali, préfacé par mes soins, et publié par Jacques Cauda dans la collection « La Bleu-Turquin » (éditions Douro). Les autres livres de la collection « Eléphant blanc » seront également disponibles sur le stand.
Le soir, à 19h30, je présenterai Denis et Jean à la galerie l’Officine, dirigée par notre amie Claire Cecchini, 4 rue des Maronites, 75020 Paris (station Ménilmontant). La rencontre sera suivi d’un verre de l’amitié. Nous évoquerons également La divine mystification (cf. plus haut).
Je serai sans doute présent au marché de la poésie le dimanche 11 juin, soit le lendemain, mais n’achèterai pas de nouveaux livres. Mon mail: er10@tutanota.com
Bénitier de Jean-Baptiste Pigalle (1714-1785). Église Saint-Sulpice. Paris VII.
Marché de la poésie: je serai au stand d’Unicité le samedi 10 juin pour présenter les deux derniers livres d’Éléphant blanc: 67 compressions suivi de petite suite racine de Jean Renaud et Le Titien à sa maman de Denis Montebello. Pas forcément fan de l’événement pour être honnête même si je suis content de valoriser ces deux courts volumes qui en valent la peine. Le verre à moitié vide: beaucoup d’hypocrisie et de subterfuges pour éviter tel ou tel fâcheux avec son livre à acheter obligatoirement ou à chroniquer. Beaucoup de rivalités littéraires et sexuelles, sachant que bien des prix sont attribués pour des raisons idéologiques, que bien des poètes ne voient dans les causes à la mode qu’une façon de se faire mousser. Le verre à moitié plein: des personnes valables, comme Jean Ristat que j’ai eu la chance de croiser place Saint-Sulpice, et puis quelques découvertes. Le plaisir de revoir des visages connus, aussi, de retrouver les fameux bénitiers de Pigalle dans la basilique. Je crois de plus en plus dans la prose, en fait, le récit ou le théâtre. Mais il faudrait un vrai talent balzacien pour croquer tout cela
Merci, une nouvelle fois, à Jean-Paul Gavard-Perret pour ce premier article.
Paul Vecchiali, La divine mystification, roman suivi de Préludes et Fugues
Vies — modes d’emploi
Dans la traversée du siècle dernier se suit d’abord l’histoire du héros de La divine mystification mais aussi et entre autres du couple qui le recueillit. Celui de sa tante et son oncle Wladimir, un ancien catcheur d’origine polonaise, revenu de la «guerre-éclair».
Leur “nuit de noces fut un cauchemar pour elle comme pour lui. Il n’était pas assez exercé ; elle était vierge. (…), Elle semblait inerte, comme résignée. En tout cas, lointaine, ne participant pas le moins du monde. Jusqu’au moment où il lâcha son sperme. Alors, elle l’enserra dans ses bras avec une ferveur inattendue”. Si bien que, bientôt, son désir fut constant et somme toute embraye “par la bande” cette suite d’aventure funestes et faunesques.
La Divine mystification, ultime roman de Paul Vecchiali, tel qu’il me la confié quelques semaines avant son départ, est donc bel et bien paru à « La Bleu-Turquin », collection de notre ami Jacques Cauda, aux éditions Douro, le tout assorti d’une préface de mon cru. Le roman est intégré à la fiche Wikipédia du cinéaste/auteur, et présent sur Babelio. Vous pouvez l’acquérir pour 20 euros, soit en librairie, soit sur les principaux sites marchands, soit en commandant directement chez Douro.
Né en 1948, normalien, agrégé de Lettres et spécialiste du XVIIIe siècle, Jean Renaud a écrit 67 compressions suivi de petite suite racine (éditions Unicité). L’ouvrage postfacé par Jacques Demarcq est sorti en avril 2023. Entretien réalisé par Étienne Ruhaud.
Jean Renaud semble proposer ici une histoire toute personnelle, à travers une série de « compressions », richement illustrée par l’écrivain-plasticien Jacques Cauda.
Recueil résolument expérimental publié dans la jeune collection « Éléphant blanc » des éditions Unicité, 67 compressions suivi de petite suite racine s’inscrit pleinement dans la lignée des avant-gardes, comme l’indique la présence même d’une postface signée Jacques Demarcq, vétéran des batailles TXT.
ActuaLitté : Qu’est-ce qu’une compression ? Quelle définition lui donner ?
Jean Renaud : Une compression est d’abord la transformation d’un texte (littéraire), lequel doit être à la fois, au terme de cette opération, méconnaissable et reconnaissable (indépendamment du nom de l’auteur, que je donne). «Littérature au second degré», pour reprendre la formule de Gérard Genette, qui analyse, dans Palimpsestes (Seuil), tous les modes de transformation qu’il a recueillis, et qui sont nombreux.
La compression est l’une des formes que peut prendre cette transformation, et dont Genette ne fait pas état. La méthode en est redevable à César Baldaccini, qui, dans les années 60, entreprit de soumettre des voitures, puis d’autres objets, à la presse hydraulique.
De là des parallélépipèdes, plus ou moins compacts, rugueux, dans lesquels on reconnaît, ou non, des morceaux de tôle, pneus, sièges, volant, etc. La forme rectangulaire des textes que je nomme ici compressions transpose, en deux dimensions, les parallélépipèdes de César.
Les fragments de phrases, les pliures, les mots cassés, tassés, les creux, sont ce qui apparaît une fois la page de l’écrivain soumise à la presse. On se trouve devant l’état inattendu, neuf, de cette page. De cette écriture. (J’ajoute que j’ai pratiqué aussi ce que j’ai nommé surécriture, transformation dont Genette imagine, en passant, la possibilité, mais dont il ne connaît pas d’exemple. Ces textes ont été publiés dans diverses revues.)
Sur le site de l’éditeur (Unicité), ton livre est classé dans la catégorie « poésie ». Pourtant tu ne compresses aucun poète. Où pourrions-nous ranger l’ouvrage ? Est-il inclassable ?
Jean Renaud : Si on entend, par poésie, un discours lyrique, sentimental, ému, ces compressions ne sont pas poésie. Et le classement du livre dans la catégorie « poésie » paraîtra injustifié ou absurde.
Mais je m’en tiens à la définition de Mallarmé : la poésie (vers ou prose) est ce qui « vous cause cette surprise de n’avoir ouï jamais tel fragment ordinaire d’élocution, en même temps que la réminiscence de l’objet nommé baigne dans une neuve atmosphère ».
Pour lire l’entretien entier, cliquer sur le lien suivant:
Je note mes lectures depuis janvier 1998 (j’avais alors 17 ans), et toujours dans le même cahier d’écolier. Subsistent quelques lacunes. J’ai résolu de créer un fichier Word, et de partager la liste, mois après mois.
JANVIER 1998
L’Attrape-cœurs (John Salinger)
Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes (Jean-Jacques Rousseau)
Fuenteovejuna (Félix Lope de Vega)
Les Rêveries du promeneur solitaire (Jean-Jacques Rousseau)
Né le 28 avril 1930 à Ajaccio, Paul Vecchiali, est parti ce 18 janvier. Il aurait donc eu 93 ans aujourd’hui. En 2021, je publiai Chansons et poèmes dans ma collection « Eléphant blanc », chez Unicité. Dans quelques jours, soit le 1er mai, paraîtra La divine mystification, ultime roman de Paul, édité à titre posthume, donc, par les soins de mon ami Jacques Cauda, à « La Bleu-Turquin », chez Douro. Jacques m’a autorisé à reproduire ma propre préface. J’y reviens sur ma rencontre avec le cinéaste-écrivain, ainsi que sur l’histoire du manuscrit.
PRÉFACE
Paul Vecchiali nous a quittés mercredi 18 janvier, à l’âge de 92 ans. Il laisse derrière lui une cinquantaine de films, ainsi que de nombreux livres, dont Chansons et poèmes, publié en 2021 par mes soins[1]. De l’émotion, certes. De l’affliction aussi. Mais le sentiment que tout est accompli, en quelque sorte. Réaliser autant, côtoyer Godard, Demy, Rohmer, de grandes actrices toute sa vie durant ou presque, avant de tirer sa révérence, a quelque chose de magique, d’enviable.
J’aurais appris la triste nouvelle via Facebook. Et j’aurais également croisé Paul Vecchiali sur Facebook, il y a environ deux ans, extrêmement surpris qu’un créateur de cette importance traîne sur le réseau social, et plus encore qu’il accepte ma demande d’amitié. L’homme était réellement accessible. De Vecchiali, j’avais vu quelques films, dont Nuits blanches sur la jetée, adapté de Dostoïevski, mélancolique long-métrage tourné avec si peu de moyens, dans cette région du Sud où il résidait. J’étais alors étudiant, ou sortais tout juste de mes études de Lettres, et me faisais un devoir de visionner les grands classiques, de les emprunter à la médiathèque François Mitterrand de Poitiers, vaste ensemble tout-béton où je traînais mes guêtres, entre machine à café et salles de lecture. J’appréciais le pari même de Vecchiali, son stakhanovisme, cette volonté de tourner encore et encore. Déjà âgé, Vecchiali se battait contre le manque d’argent, la frilosité du public et des professionnels. Il jouissait d’une aura certaine, et paraissait, un peu comme Bresson (dans une moindre mesure), être une sorte de vieux maître, d’intouchable, d’absolue référence. Moins provocateur, moins iconoclaste, que son ami Jean-Luc Godard, certes. Autre chose encore. Un pur et dur, irréductible. J’acquis plus tard la très anticonformiste Encinéclopédie, en deux tomes, et où Vecchiali semblait régler ses comptes avec certains tenants officiels du septième art.
Paul Vecchiali aimait à défier les conventions, derrière la caméra comme dans ses propos, dans ses livres et sur Internet. Il m’impressionnait. Les cinéastes m’ont toujours impressionné. En 2021, alors que je venais de créer ma collection (cf. plus haut), j’osais lui envoyer un message sur Messenger. Quelque chose de très simple. Je lui expliquais que j’aurais aimé le prendre. Un peu comme on part à la pêche, sans grand espoir de ramener un brochet, ou qu’on va aborder une très belle femme, s’attendant à prendre une veste, un râteau. Quelle ne fut ma surprise! Enthousiaste, Paul Vecchiali semblait touché par mon intérêt, et me transmit, par mail, une série de poèmes, ainsi que de chansons extraites de ses films, dont beaucoup s’apparentent à des comédies musicales. Le contrat fut rapidement signé, et le livre sortit, avec ses illustrations en couleurs, sous format italien, en septembre 2021. Le succès fut mitigé: Unicité est une petite maison, sans grands moyens, et nous ne pouvions organiser de dédicaces, Paul Vecchiali étant déjà diminué, et résidant loin de Paris, dans le Vaucluse. Peu à peu, toutefois, les gens achetèrent le volume, bien en évidence au rayon poésie de la Fnac des Halles, et nous eûmes droit à quelques beaux articles dans la presse spécialisée.
Quant à moi, je rêvais d’apercevoir Vecchiali pour de vrai, en chair et en os. Dans ses mails, l’homme me parlait de ses propos de santé, et de l’urgence de publier, de tourner. Ainsi, en consultant sa fiche Wikipédia, constatai-je qu’il avait édité chez de petites maisons, simplement parce qu’il n’avait plus assez de temps pour solliciter les grosses. La suite devait lui donner raison. Ce fut donc ma chance, et aussi ma tristesse, tant je pressentais que la fin était proche. Paul Vecchiali devait inaugurer une salle à son nom, au « Grand Action », rue des Écoles, non loin de l’Harmattan. L’occasion de le croiser, donc. Une première rencontre fut toutefois ajournée, du fait de la faiblesse de l’intéressé, atteint du COVID. Nous convînmes d’un rendez-vous en septembre. Paul se sentait très fatigué. J’insistais un peu, toutefois. Somme toute, nous avions travaillé ensemble. Somme toute, c’était mon auteur. Suite à un échange SMS, Hakim, son compagnon, m’accueillit fin septembre, en un début d’après-midi semi-pluvieux, dans un appartement très clair, dépouillé, au sommet d’une austère tour des années 50-60, plantée au milieu du douzième arrondissement. Beaucoup plus jeune que le Maître, Hakim se montrait prévenant, affable. Paul, vêtu d’un survêtement bleu Puma, des tennis aux pieds, très affaibli mais toujours élégant, à sa manière, semblait heureux de me voir. Il était sous respirateur et restait assis sur le sofa. Subitement, je m’en voulus d’avoir fait le forcing.
« Vraiment, on peut ajourner le rendez-vous, si vous n’êtes pas en état »
-Non, non ! Restez, Etienne. C’est très bien », répondit-il alors, la voix marquée par un léger accent marseillais.
J’étais plus qu’intimidé. Paul m’expliqua que ses poumons étaient brûlés par le COVID, et qu’il devait garder son masque (tout comme moi, d’ailleurs). Quarante-cinq minutes durant, je l’entendis me parler de Bresson, dont il fut l’assistant, mais aussi de Godard, qui venait de nous quitter, et auquel il consacrerait son dernier film[2]. J’avais honte de ne pas mieux connaître sa filmographie. J’étais venu voir le monument, le corps du roi, pour reprendre les termes de Pierre Michon. Paul a parlé de tant de choses… J’étais ravi, en apesanteur. Je ne peux tout retranscrire ici. Outre le cinéma proprement dit (Clouzot qu’il considérait comme un mauvais faiseur, le caractère exécrable d’Agnès Varda, l’intégrité de J.L. Godard, ses propres difficultés de tournage liées au manque de finances…), Paul évoquait sa propre vie, la perte de sa femme, tombée d’une falaise sur l’île Rousse, le fait qu’il aurait pu devenir ingénieur aux Etats-Unis, ou encore la guerre d’Algérie… Polytechnicien, le capitaine du génie était respecté des fellaghas, qui, une fois prisonniers, étaient convenablement nourris, ce qui lui avait sauvé la vie lors d’une embuscade… J’étais l’élève, le fan. Cette position me convenait parfaitement. Pour finir, Paul accepta de retirer son masque, et se prêta volontiers à l’exercice du selfie.
Etienne Ruhaud et Paul Vecchiali.
« Vous reviendrez à Paris? Nous pourrons nous revoir?
– Oh, non, Etienne. Vous savez, je suis très malade. Mon cancer de la prostate me fait souffrir le martyre. J’en ai pour deux ans, grand maximum. Je vais rester chez moi, dans le Vaucluse, et finir ce film sur Jean-Luc [Godard].
– D’accord. Je suis si content de vous avoir rencontré.
-Moi aussi, Etienne ».
Et Hakim, donc, de me raccompagner à l’entrée, donc à la sortie.
Nous ne devions, en effet, jamais nous revoir. Le lendemain de notre entrevue, soit le samedi 29 septembre 2022, je partis pour le festival poétique « Sémaphore » de Moëlan-sur-Mer, en Bretagne, et ne pus donc assister aux projections. Nous nous parlâmes à plusieurs reprises au téléphone. Nous correspondions également par mail. Paul intervenait sous mes posts Facebook, et réciproquement. Il revint à Paris en décembre, toujours avec Hakim, ange gardien. Je voulais le retrouver dans sa chambre d’hôtel, rue des Ecoles. Il était trop fatigué. Je respectai son choix. Il était d’ailleurs convenu que je récupère un manuscrit, à la réception. Paul, qui n’avait plus que quelques jours devant lui, souhaitait éditer un dernier volume aux éditions Unicité. Et c’est finalement chez Douro, dans la collection de l’ami Jacques Cauda, que paraît le dernier Vecchiali. Ou plutôt, « les derniers ». Car l’enveloppe laissée par le vieux créateur contenait en réalité deux textes, très différents sur le fond, comme sur la forme : La divine mystification, donc, puis Préludes et fugues.
Le lecteur sera sans doute surpris. Rien, a priori, ne relie ces deux opuscules, réunis en un seul volume sous le signe du « Bleu-Turquin ». Bref roman psychologique, La divine mystification narre, année après année, les aventures d’une famille du Sud, sur plus d’un siècle, depuis le premier couple, Gérard et Marie-Claude, jusqu’aux arrière-petits-enfants, de nos jours. Impossible, ici, de résumer l’intrigue, riche en rebondissements, et où se croisent les obsessions mêmes de Paul Vecchiali, ou plutôt les thèmes qui lui sont chers : les liens du sang, le cinéma, l’homosexualité, l’actualité même. Le tout situé en bord de Méditerranée, région d’où il était originaire, où il devait tourner ses derniers films, achever un -riche- parcours terrestre. Légèrement policière (en filigrane, disons), l’histoire ravira les vecchialistes confirmés, qui retrouveront là un univers familier, singulier, comme si, consciemment ou pas, l’auteur avait voulu opérer une sorte de synthèse… Peut-on parler de synthèse, d’ailleurs ? Vecchiali aura abordé tant de sujets, décrit tant de milieux, filmé tant de paysages…Malgré son titre « musical », Préludes et fugues, parle moins de Jean-Sébastien Bach que de flashs, de brefs tableaux, de souvenirs fugaces : ce que Vecchiali appelle des instantanés. Plutôt énigmatiques, les vingt-cinq proses qui constituent le recueil ressemblent à de surgissements visuels, des images d’enfance, une série de tentatives pour coller au plus près de la mémoire. Il s’agit donc, pleinement, d’une autobiographie fragmentaire, ou, si l’on préfère, de fragments autobiographiques composés dans un style objectif, sinon objectiviste, pour coller au plus près de la vérité. Déroutants, peut-être, ces Préludes et fugues ont de quoi intriguer…
Mais laissons la parole à Vecchiali lui-même. Action !
Etienne Ruhaud, avril 2023.
[1] J’ai créé la collection « Éléphant blanc » en 2021, aux éditions Unicité.
Cette fois c’est bon. Mon éléphanteau blanc de printemps (précédemment annoncé), septième du nom, est enfin sorti, et donc disponible à la vente. Il sera bientôt sur le site de la Fnac, ainsi que sur Amazon, même si je vous conseille de le commander en librairie. Il est également possible de s’adresser directement à l’éditeur, en cliquant sur le lien ci-dessous: