L’image qu’on a de David Douche est celle de Freddy, ce chômeur touchant du premier film de Bruno Dumont : La Vie de Jésus. Nous sommes en 1997, le jeune homme alors âgé d’une vingtaine d’années a été repéré par le réalisateur bailleulois qui cherche des acteurs amateurs, authentiques, instinctifs. Il reçoit un prix d’interprétation en Sicile. Ce sont ses premiers pas au cinéma, et ses derniers.
David Douche est cabossé par la vie. Cet enfant de la DDASS n’a presque pas connu ses parents. Il grandit avec ses deux petits frères dans une famille d’accueil, à Bailleul. François Lesage s’occupe de lui, avec son épouse, aujourd’hui décédée. En regardant les photos, le retraité de 86 ans se souvient : « On avait nos cinq enfants et les trois qu’on accueillait. Mais on les considérait tous comme nos enfants. David était calme. Mais il aimait trop la liberté. »
Une fois adulte, il prend vite son indépendance, stoppe les contacts avec sa famille et mène une vie de vagabond. « Il a été soldat et a déserté », se souvient François Lesage. « C’est lui qui avait le plus de chance, ajoute Jean-François Douche, son plus petit frère. Il était doué, c’était celui qui suivait bien à l’école. »
Après le cinéma, il n’accepte pas le retour à une vie banale et arrête de travailler comme couvreur. Dans un portrait que lui consacre Libération, en 2004, on peut lire : « « Après le tournage, le retour au quotidien est difficile. David Douche peine à se lever le matin, picole trop et manque d’assiduité. Son employeur finit par le licencier. » On apprend dans le même article qu’il aurait pu avoir une deuxième chance. « Après La Vie de Jésus, Téchiné s’est intéressé à lui. Mais au même moment, David entrait en prison pour s’être battu avec des flics. Neuf mois ferme à Loos. »
L’homme avait retrouvé une certaine stabilité depuis quelques années. Il vivait avec Françoise Lefebvre, son épouse, dans un appartement qu’il louait à la commune. Il avait repris contact avec Lionel Douche, son autre frère. « C’était un couple très gentil, souligne ce dernier. Il venait tous les jours car il ne s’en sortait pas. »
David Douche aimait jouer à la belote et pêcher la carpe avec ses amis. « C’était un bon gars, témoigne l’un d’eux. Il me disait qu’il touchait 620 € par mois et que c’était difficile. »
Quel souvenir gardait-il de La Vie de Jésus ? « Ah bon, il a joué dans un film ?, répondent-ils. Il n’en a jamais parlé. » Dans Libération, David Douche a une phrase très forte. On peut lire : « David Douche, lui, se demande encore si tourner avec Dumont a finalement été une chance : Je me pose souvent la question. Je n’ai toujours pas la réponse. »