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« LE BLUES ROUMAIN », RADU BATA, ÉDITIONS UNICITÉ, 2020 (ARTICLE PARU DANS « DIÉRÈSE » 81, PRINTEMPS 2021)

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On connaît généralement Eugène Ionesco, Mircea Eliade. Au mieux, Benjamin Fondane, Tristan Tzara, Ghérasim Luca, et puis c’est tout. Est-ce pour réparer cette injustice que Radu Bata, également auteur d’une dizaine de livres divers, s’est ingénié à regrouper plusieurs créateurs contemporains ? Sous-titré anthologie imprévue de poésies roumaines, ce beau recueil rend hommage à une terre de littérature quelque peu oubliée en France, et plus généralement en Europe de l’Ouest. Outre leur nationalité, les différents auteurs ici regroupés semblent tous en proie au spleen, annoncée dès l’intitulé. Le blues, nous le retrouvons sous la plume notamment d’Octavian Soviany : Il nous reste la tristesse, ténue comme une bruine,/Dans les paumes ouvertes, sur la bouche, la poitrine,/Et le sang qui fuit vers la mort aérien./En dessous c’est le rien. Dessus, toujours rien (p. 39). Ce franc désespoir fait souvent place à une forme de nostalgie plus douce, plus voilée et délicate, au souvenir d’amours passés, de plaisirs éteints, notamment chez Ben Corlaciu : Comment vas-tu ? Merci, ça marche après l’aurore./Je vis, il n’y a pas d’autre solution. (p. 92). Si le vers libre domine, la forme est parfois différente, rimée, mais toujours lisible, claire, loin de tout hermétisme. Radu Bata a choisi une poésie populaire, accessible, et certains textes s’apparentent également à des haïkaï, de brefs moments contemplatifs ou réflexifs, dépouillés : nous sommes tous/une fourmi/traversant/-insouciante-/le tranchant de la hache (Petre Stoica, p. 120).

Le « blues » roumain semble parfois atténué par une cocasserie très particulière, à la limite de l’absurde. Ainsi de Vitalie Vovc lorsqu’il évoque un pays centrifuge (p. 81-82), et une étrange machine à laver sous forme, précisément, de centrifugeuse détruisant les habits : et ce pays centrifuge qui est le mien/dont personne n’a encore trouvé le bouton « stop »/rugit quelque part sur la carte/à rotations maximum. Nous nous plaçons ici aux confins du surréalisme, comme le suggère d’ailleurs la peinture d’Iulia Şchiopu reproduite en couverture, représentant une jeune fille dans une robe blanche décorée de fleurs, assise sur un village montagneux emblématique du pays. Et ce même si nombre de vers semblent ancrés dans le présent, dans ce qu’il a de plus immédiat, sinon trivial : Dieu est encore plus visible et semble heureux/tu l’as connecté à Internet/ensuite aux réseaux sociaux/à e-mail YouTube aux torrents, écrit ainsi Robert Şerban (p. 42), dénonçant indirectement le phénomène d’hyper-connexion, ou plutôt s’en amusant.

Par-delà le blues apparaissent également ces taches de bonheur dont parle Mihaela Colin (p. 67), et certains poètes semblent se contenter de célébrer l’existence à travers quelques phrases simples, sincères, bien senties. Tout n’est donc pas si triste, à Bucarest.


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