Chers lecteurs,
Comme vous le savez, « Page paysage » est avant tout basé sur l’idée de partage, ce à quoi nous nous employons, notamment à travers l’événementiel, qui permet de présenter le travail de nos amis créateurs, mais pas uniquement. Afin de faire connaître mon propre travail littéraire et éventuellement scénaristique, j’ai décidé de créer une nouvelle série qui cette fois parle uniquement de mes livres ou du blog, sobrement intitulé « Mon propre travail ». Voici donc un premier numéro, où on pourra lire un dithyrambique article de notre ami Jean-François Jacq, dont nous avons d’ailleurs déjà parlé ici dans un article critique.
Je ne suis pas un lecteur ordinaire, saisi de plein fouet par l’inéluctable se profilant de page à page, hanté par le personnage de Renaud dont la descente m’est, au demeurant, éminemment familière. Ayant connu la rue à l’âge de dix-neuf ans, et ce durant plusieurs années, je ne suis absolument pas en mesure de faire preuve de complaisance à l’égard du roman d’Etienne Ruhaud. Roman, je l’avoue d’emblée, le mot me gêne. Il me dérange d’autant plus que l’auteur nous met face à une histoire romancée, et que nous en dépassons rapidement le cadre, Ruhaud nous invitant à pénétrer l’envers de ce quotidien nauséabond, se suffisant à lui seul pour n’avoir à apporter aucune explication quant aux raisons de la chute de son personnage. Lorsque le processus est en marche, rien ne peut plus l’arrêter. Et c’est l’une des grandes réussites de ce livre. Ne pas donner à comprendre. Renaud ne m’est pas donc pas étranger (d’où ce rejet à l’égard du terme roman). Je suis tout près de lui au fil de la lecture de Disparaître, à ses côtés à un point tel que je ressens exactement le vide se faire en son corps, et que je me surprends – ce qui n’est nullement mon habitude de lecteur – à en murmurer les mots, happé par la justesse de la mécanique anthropologique de Disparaître. Sachez-le. Ruhaud ne vous a pas dupé. Ruhaud de nous conter une histoire somme toute banale, puisque c’est ainsi que nous côtoyons ceux dont les corps finissent par éclater sur le pavé. Combien de morts, précisément à Thiais, carré des indigents, dans la plus grande indifférence ? Le lecteur que je suis tient à remercier l’auteur que tu es pour cet immense Disparaître, d’un point de vue littéraire, mon cher Etienne. L’auteur que je suis le considère comme frère de sang de mon récit (Hémorragie à l’errance), traitant de mes années passées à la rue. Pas un seul jour sans que je n’y pense. Et il en sera ainsi jusqu’à ma mort, jusqu’à ce qu’à mon tour, communément à Renaud, peut-être bien dans mon lit mais empreint de la même liquéfaction que ce personnage en résonance avec ce que je suis, jusqu’à ce qu’à mon tour je disparaisse. Un livre de cet acabit ? Il y a bien longtemps que cela ne m’était pas arrivé.
L’article sur le site même de Jean-François Jacq
Notre lecture de « Fragments d’un amour suprême », par Jean-François Jacq
Article, certes, tout à ton honneur, Etienne; mais qui a le mérite de donner l’envie de lire ton livre…
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Merci, Monique, pour ce beau compliment!
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Ce livre est un témoignage sans complaisance de l’époque, mais l’auteur y ajoute son humanité, de la poésie et son talent. Ca change du regard comptable, du gavage du cœur sans rien dedans…Il faut du talent, et des nerfs aussi….Etienne n’en manque pas.
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