Nombre de recueils actuels semblent marqués par un certain désenchantement, comme si l’époque et son climat infusaient sur la production littéraire. Publié chez Unicité, ce troisième livre de Pascal Mora semble au contraire porté par l’énergie, l’enthousiasme propre aux aèdes antiques. Dédié à l’univers urbain, ce nouveau petit livre semble bien différent du précédent opus, consacré aux forêts, à la Nature, et chroniqué dans le numéro 66 (hiver 2015). Ayant fait le pari de la ville, en quelque sorte, Pascal Mora s’attache à dépeindre les cités qu’il a traversées, qu’il s’agisse de Paris, Mexico, Naples, Lisbonne ou New York : Les multiples mégalopoles littorales/Forment la mosaïque des peuples/Au bord des abysses salines. Loin des villes tentaculaires et quelque peu angoissantes d’Émile Verhaeren, les villes de P. Mora sont d’abord des lieux de rencontre, et donc de joie, de renouveau. L’auteur, qui y voit plusieurs similarités, qui tente de définir une sorte de commune structure (entre telle ou telle rue, telle ou telle place), célèbre parallèlement la diversité : qu’il s’agisse de la variété des architectures, des maisons, des styles, ou de la diversité des peuples. Dès lors le titre prend sens : Ce lieu sera notre feu. La ville devient zone de contact, d’incandescence, même si jamais Pascal Mora ne semble céder à une vision idyllique, quelque peu mièvre, du béton : Bâtiments au modèle des années 50/Les architectes ont divagué/Dans la laideur massive./Banlieue d’épreuve ou d’abandon/Distord corps et esprit.
Ayant résolu de chanter les mégapoles, Pascal Mora n’oublie pas non plus en quoi l’espace peut être oppressant, laid, déshumanisé et déshumanisant. Une forme d’angoisse, légère mais précise, apparaît ainsi parfois au détour d’une phrase. Ce bonheur (nuancé) d’être au monde, au sein d’une cité heureuse, prend forme à travers un vers libre à la fois tonique et plein, mêlant images, bruits et odeurs, avec force métaphores. Également photographe, Pascal Mora a créé le concept de poésimages sur son blog, en mêlant textes et clichés. De fait, le verbe est ici caractérisé par une sorte de surabondance plastique. La nuit urbaine murmure son velours bleu./ Ailées comme des sphères,/Les millions d’âmes nous constellent/D’un pluriel de paroles. Loin des plaquettes souvent abstraites, pour ne pas dire sèches, loin du haïku par définition elliptique, P. Mora nous offre le bonheur d’un style incarné, généreux. Orné des œuvres de l’Allemand Thomas Hendrich, préfacé par la femme de Lettres franco-équatorienne Rocio Duran-Barba, ce quatrième volume semble écrit pour nous réconcilier avec le monde, avec les trottoirs et les boulevards de nos cités
Il est rare de rencontrer une oeuvre qui ait du souffle et qui, en même temps, soit un feu si paisible….Si on le lit à haute voix, le long poème de Pascal Mora résonne comme une longue et heureuse incantation, sans pourtant rien de solennel : c’est un fleuve dense et tranquille, sinueux tout du long.
« Ce lieu sera notre feu » est un très beau texte, qui nous happe d’emblée, dès son très beau titre.
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Merci pour ce beau commentaire, Claudine. Ca faisait longtemps!
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Je crois que chaque texte, chaque livre est un engagement total dans un voyage, une quête vers une révélation, ce qui résulte d’une rencontre entre
celui qui écrit et le « réel » : ce mystère quotidien. Vos commentaires sont précieux.
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Merci. En tous cas ta poésie, elle, a un intérêt lyrique certain.
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Oui, Pascal, j’ai été moi aussi impressionnée et portée par ton « flow » (flot, dirait Lacan 😉 ) tout du long.. On attend déjà ton prochain texte…
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