LES GNATHES
Des insectes échassiers, hauts de trois mètres, perchés sur des pattes noires et poilues.
Le corps évoque une tique avec des antennes et de fortes mandibules : une boule rouge plantée d’yeux immobiles.
Les femelles pondent des œufs bruns de la taille d’un ballon de basket, sur le fumier ou près d’une source de chaleur. Les habitants disposent des barbelés autour des fours à pain, des élevages, ou parsèment une poudre répulsive pour ne pas avoir de nids.
A priori, les gnathes paraissent inoffensifs, sinon utiles, puisqu’ils se nourrissent des bêtes crevées, nettoyant la campagne des charognes. Leur mauvaise réputation tient à leur consommation de cadavres. Franchissant l’enceinte des cimetières, les gnathes déterrent les cercueils et dévorent les défunts encore frais, aspirent tripes, moelle et cervelle dans un sinistre bruit de broiement et de succion. Au lendemain, les nécropoles ressemblent à des ossuaires répandus, des tranchées.
Rien n’y fait : ni hauts murs, ni gardiens, ni poison.
Jaunes, oblongues, les déjections à goût de mort engraissent champs et prés, fertilisent la terre.