Paru dans L’ami du vingtième du mois de décembre, cet article, dont j’ai déjà parlé sur le blog, n’évoque pas directement la littérature ou les arts. Je le publie néanmoins, d’une part pour rendre hommage aux bénévoles qui s’occupent des SDF, ensuite parce que j’ai parlé d’une disparition dans mon seul et unique roman, et que le sujet me touche.
Chaque année, près de 2000 personnes décèdent dans la rue, parfois de maladie, parfois suite à des violences, parfois de froid, parfois d’épuisement… À l’aube du nouveau siècle, confrontés à l’effroyable mortalité des SDF, quelques membres de l’association catholique « Aux Captifs la libération » décident de contacter diverses organisations caritatives telles ATD-Quart Monde ou La Mie de Pain pour connaître le nom des disparus, créer une sorte de fichier commun. Plusieurs structures laïques adhèrent au projet et le collectif « Les Morts de la rue » est officiellement créé en 2002. Pour les bénévoles, il s’agit alors surtout de « faire savoir que vivre à la rue mène à une mort prématurée » : Constatant que l’espérance de vie d’un SDF est de 48 ans contre 80 ans pour la moyenne nationale, les responsables tentent d’alerter la population en rendant publiquement hommage aux victimes de la précarité. Des manifestations sont ainsi organisées dans les grandes villes (Paris, Bordeaux, Grenoble). Le nom des personnes décédées est alors lu, et des fleurs sont déposées au sol, en guise d’hommage. Depuis 2015, plusieurs volontaires effectuant un service civique réalisent également des démarches autour du voisinage en collant des affiches, pour savoir qui étaient au juste les malheureux découverts sans vie, de prévenir une éventuelle famille. Accompagné de photos, le blog « Mémoire de la rue » décrit ainsi le parcours de plusieurs « morts de la rue », et témoigne d’un patient travail de recherche. Il s’agit aussi de faire revivre les SDF, ces existences parfois invisibles, de prendre des photos des lieux traversés, de faire parler les gens qui les ont côtoyés, au hasard des squares, des bancs. Le nom des SDF, les quelques informations glanées parfois difficilement, apparaissent ainsi directement sur le site Internet.
En lien avec les instituts médico-légaux, le collectif tente aussi de dénoncer les causes généralement violentes des morts, tout en veillant à la dignité des funérailles. Le plus souvent inhumés au carré des anonymes, notamment au cimetière de Thiais, les morts de la rue sont accompagnés dans leur dernière voyage par un membre de l’association, qui prononce à cette occasion quelques paroles, une oraison. Le cas échéant, les proches sont contactés, et soutenus. À l’heure où hélas le nombre de sans-abris se multiplie, où une forme d’habitude, pour ne pas dire d’indifférence, s’installe, le travail d’un tel collectif force évidemment le respect.
Association « Les morts de la rue »
72 Rue Orfila, 75020 Paris
01 42 45 08 01
06 82 86 28 94