Retrouvé, ce matin, au salon des Blancs Manteaux, dans le Marais, un des seuls romans ayant réellement changé le Monde, ou plutôt contribué à le changer. Décrivant une société utopique peuplée de révolutionnaires socialistes entièrement dévoués à la cause, Que faire? Les hommes nouveaux devait en effet « labourer » l’esprit de Vladimir Oulianov, qui relut l’ouvrage plusieurs fois en un seul été, comme en témoigne sa correspondance. Profondément marqué par le récit, Lénine devait organiser de manière hiérarchique, militaire, le parti bolchévik, sur le modèle décrit par Nikolaï Tchernychevski (1828-1889). On connaît la suite. Lénine, qui avait repris le titre du récit pour son propre opuscule en 1902, arrivait au pouvoir quinze ans plus tard. Indirectement, et bien malgré lui, ce philosophe pauvre, rêveur, fils de pope, déporté en Sibérie par la police tsariste pour avoir incité les paysans à la révolte, d’une timidité maladive selon ses proches, devait donc contribuer au succès de l’entreprise communiste, succès qui lui-même dépendait très fortement de l’engagement des militants. Le livre, qui est réédité par la petite maison suisse des Syrtes, spécialisée dans la littérature russe, orthodoxe, et, pour tout dire, assez peu marxiste, mérite d’être lu, ne serait-ce qu’à titre documentaire. Une ré-impression est d’ailleurs prévue pour janvier 2017, avec une préface d’Alain Besançon.