
Clovis Trouille, La grasse matinée ou la momie somnambule
Grande émotion hier. Ayant quitté le Louvre à 18 heures, et m’étant, comme chaque samedi soir de travail, offert un ballon de rosé au comptoir d’un bar attenant, je me balade nonchalamment le long des quais, en observant distraitement les manège des bouquinistes, sous le jeune soleil de juin. Le téléphone sonne, et un numéro inconnu s’affiche. Pressentant je ne sais quelle démarche publicitaire, ou je ne sais quel arnaqueur en manque de pigeons, j’hésite tout d’abord à répondre, puis m’y résout. Une voix de vieille dame, chevrotante, cassée, me répond:
« Bonjour Monsieur Ruhaud. Je suis Madame Denise Alleau, veuve de René Alleau. Vous m’avez écrit récemment.
_ Euh, oui, Madame… C’est-à-dire, je ne pensais pas que vous me rappelleriez.
_ Non, jeune homme. Vous savez, je suis fatiguée, j’ai quatre-vingt quinze ans, mais votre lettre m’a fait plaisir. »
Surpris, et néanmoins heureux, je dialogue avec la dame en question. Replaçons tout d’abord le contexte: il y a quelques jours, effectuant des recherches autour du surréalisme, et désirant retrouver la trace, éventuellement la sépulture, de l’occultiste et historien René Alleau, auteur de nombreux articles de l’Encyclopedia Universalis et d’un célèbre Guide de la France mystérieuse, j’écris une lettre à Denis Alleau, dont l’adresse m’a été donnée par David Nadeau, surréaliste québécois (sans parenté aucune avec l’éditeur du même nom. « Nadeau », qui signifie « Noël » en occitan, est un patronyme assez répandu en Charentes et dans tout le Sud de l’Hexagone). Je ne pense pas, alors, obtenir de réponse, et encore moins un coup de fil. Et pourtant si. Et quel appel! Longuement, Madame Alleau et moi, nous parlons du travail de feu René, des conférences au cours desquelles ils se rencontrèrent, elle et lui, au début des années 50. Plus encore, nous évoquons Breton, devenu intime, et qui passait souvent manger à leur domicile parisien, parfois avec Benjamin Peret… De tels témoignages sont évidemment parmi les derniers, puisque les témoins de cette révolution artistique s’éteignent progressivement.
« René est enterré au cimetière de Vallaubrix, dans le Gard. Il voulait une tombe comme celle de son ami Benjamin Peret, aux Batignolles, je crois, avec un buisson, du gazon. René aimait beaucoup Benjamin et André… Bon, mais c’est dur à faire pousser dans le Sud. Bref, il est là, et c’est là que je vis désormais! Je mets de l’ordre dans ses papiers. Vous savez, il travaillait énormément jusqu’à sa mort. Si vous voulez, vous trouverez sa correspondance avec André à la bibliothèque Jacques Doucet. Je vous donne aussi quelques noms d’anciens que vous pouvez contacter…
_ Merci beaucoup, Madame! »
Quel moment! Non loin de la rue de la Vieille Lanterne, où mourut Nerval, une nuit de janvier, il me semble entendre une voix au loin, venue du passé, en traversant les Pont des Arts.
Quelle émotion ! Et quel beau texte tu en tires, je suis toute émue, c’est un grand moment que tu as vécu !
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Oui, quelle émotion! Meric pour ce beau cocmmentaire!
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J’aime beaucoup tes balades Étienne, tu trouves toujours à réveiller la poésie qui sommeille dans tous ces lieux …Et justement, tu parles de la rue de la Vieille lanterne, j’ai souvent essayé de la resituer , d’après un dessin que j’avais vu à une exposition sur Nerval, il y a quelques années, dans une salle en sous-sol , non loin du musée Carnavalet …J’en étais arrivé à positionner cette ancienne rue, pratiquement à l’endroit où se trouve le Théâtre Sarah Bernhardt . Je me suis éloigné de ton coup de fil, le vrai sujet, mais là c’est plus personnel.. .On dit que Sarah Bernhardt dormait dans un cercueil.
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J’aime beaucoup tes balades Etienne, tu trouves toujours à réveiller la poésie qui sommeille dans tous ces lieux …Justement, tu parles de la rue de la Vieille lanterne, j’ai souvent essayé de la resituer , d’après un dessin que j’avais vu à une exposition sur Nerval il y a quelques années, dans une salle en sous-sol , non loin du musée Carnavalet …J’en étais arrivé à positionner cette ancienne rue, pratiquement à l’endroit où se trouve le Théâtre Sarah Bernhardt . Je me suis éloigné de ton coup de fil, le vrai sujet, mais là c’est plus personnel.. .On dit que Sarah Bernhardt dormait dans un cercueil.
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Merci, Fabrice! Oui, Gérard de Nerval s’est suicidé en se pendant en face du Châtelet.
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bisous!
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J’apprécie beaucoup ce qu’écrit René Alleau. Notamment son livre sur l’alchimie, peut-être le meilleur que j’aie lu sur ce thème passionnant
Pascal Mora
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Oui, ce fut un grand penseur!
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Je ne connaissais pas René Alleau, familier de Dédé Tête de Pioche, mais tu pourrais venir dans le Gard faire un tour au cimetière de Vallaubrix. Avec la vieille dame… Quel témoignage !
Date: Sun, 26 Jun 2016 06:09:00 +0000 To: ljrd@live.fr
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IL faut faire vite, alors, car elle est âgée. Bisous, Laurent!
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